Appel à communication
Journée d’étude « Écrire contre : une polysémie féconde dans la création littéraire et artistique de l’Antiquité à nos jours »
Mercredi 04 juin 2025
Salle des Actes de la MRSH, Université de Caen Campus 1
Invités : Vincent Jouve (Université de Reims Champagne-Ardenne)
Richard saint-Gelais (Université Laval, Québec) (à confirmer)
Contre quoi écrivons-nous ? L’association du verbe « écrire » avec la préposition « contre » permet une éclosion soudaine de sens dépassant la simple notion d’opposition que l’on associe généralement à cette expression, pluralité que nous souhaitons soumettre à la réflexion des participants à l’occasion d’une journée d’étude.
1. Appui, contact étroit
Puisque « nous ne faisons que nous entregloser (1) », tout texte littéraire est nécessairement écrit « contre » un autre texte, au sens local de cette préposition qui indique le contact étroit. Cette idée de contact entre un texte et le ou et les éléments contre lesquels il s’érige nous semble recouper de manière pertinente les différents phénomènes de transtextualité détaillés par Gérard Genette dans Palimpsestes : la littérature au second degré (1982). Si divers phénomènes de l’écriture « contre » coexistent depuis les origines de la littérature, c’est la manière d’envisager ces phénomènes qui varie dans le temps. Alors que le « tuteur » que représente l’auteur canonique contre lequel s’appuie le texte nouveau est valorisé durant les siècles anciens, Antiquité et Moyen Âge, d’autres époques, notamment le XIXe siècle, tendent à dénigrer l’écriture qui s’adosse trop ouvertement sur ses prédécesseurs, avec l’idée que le génie artistique doit parvenir à s’en détacher. À l’ère postmoderne, les écrivains s’appuient volontiers sur cet héritage, avec un objectif avoué : mieux le détourner.
2. Opposition, lutte
Écrire « contre » revient très souvent à s’inscrire dans une résistance, voire même une dualité, un conflit. L’histoire de la littérature est jalonnée de grandes querelles dont les participants écrivent le plus souvent à la fois « pour » et « contre » ou de controverses donnant naissance à divers contre-ouvrages. L’écriture « contre » est un moyen évident de se positionner par rapport à des valeurs ou une idéologie, ouvrant un débat qui ne s’applique plus seulement à la littérature ou aux individus, mais à la société toute entière. On ne compte plus les œuvres qui s’inscrivent contre la guerre, contre la haine : si l’on prend l’exemple du racisme, alors on peut penser à l’ouvrage de Kathryn Sockett, La Couleur des sentiments(2009). Le canon littéraire peut lui aussi être soumis à cette écriture « contre » dans des réécritures ou des expansions narratives qui revisitent les personnages, l’intrigue et les présupposés du texte source comme dans James (2024) de Percival Everett qui donne la parole à l’esclave noir de Adventures of Huckleberry Finn (1885).
3. Échange
La notion d’échange nourrit la littérature depuis ses débuts. Elle est particulièrement présente dans la littérature épidictique qui produit bien souvent des pièces de circonstances, comme les panégyriques, généralement composés dans l’espoir d’obtenir des faveurs. Mais ces échanges espérés par l’écrivain n’impliquent pas toujours les puissants, et de nombreux poèmes se présentent comme des offrandes du poète envers l’être aimé. Certains poèmes de Ronsard (« Sonnet pour Hélène ») ou Corneille (« Stances à Marquise ») apparaissent ainsi comme de plus ou moins discrètes tentatives de chantage amoureux envers la belle. La rétribution qu’ils espèrent obtenir peut pousser les auteurs à remodeler en profondeur la forme de leur œuvre, voire même à la distordre. Que l’on songe au romanciers-feuilletonistes du XIXe qui multiplient à loisir les péripéties et du même coup le nombre de livraisons à l’image de C. Dickens, W. M. Thackeray ou encore E. Sue… On retrouve aujourd’hui ces mêmes procédés dans l’écriture des scénarios des séries télévisées, ou encore des mangas, généralement livrés par épisodes dans des magazines dédiés.
Les communicants sont invités à croiser ces différentes définitions de l’« écrire contre » dans le champ littéraire de l’Antiquité à aujourd’hui. En regroupant au sein d’une même journée des analyses de textes temporellement éloignés, nous espérons mettre en lumière les continuités et ruptures de ces démarches d’écriture. Les communications, en français, pourront aborder ces différentes pistes de réflexion (liste non exhaustive) :
• Rapport à la canonicité et aux modèles (écriture de la déconstruction, de l’hommage, fan fictions…)
• Écriture et diverses formes de transtextualité (architextualité, hypertextualité, intertextualité…)
• Écriture et idéologie, écriture engagée, réécriture et expansion narrative
• Différentes querelles et controverses littéraires
• Écritures de circonstance
• Place du destinataire dans la démarche d’écriture
• Lecteur et réception
• Dimension financière et économique de la démarche d’écriture
• Le paratexte
S’inscrivant dans une perspective interculturelle qui réunit ici l’ERIBIA (Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur la Grande-Bretagne, l’Irlande et l’Amérique du nord) et le LASLAR (Lettres, Arts du Spectacle et Langues Romanes), les œuvres étudiées pourront relever des domaines anglo-saxon ou
francophone.
Les propositions de communication, d’environ 400 mots, rédigées en français et accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique, sont à envoyer avant le 15 février 2025 aux trois adresses suivantes :
armelle.parey@unicaen.fr
daphne.ledigarcher@unicaen.fr
sarah.levy-valensi@unicaen.fr
Bibliographie indicative :
– Bazin, Claire et Marie-Claude Perrin-Chenour (dir.) Les Réécritures du Canon dans la littérature féminine de langue anglaise, Textes et Genres II, Paris Ouest Nanterre La Défense, 2011.
– Bessières, Vivien. « Antiquité et postmodernité : les intertextes gréco-latins dans les arts à récit depuis les années soixante (fiction, théâtre, cinéma, série télévisée, bande dessinée). » PhD Université Toulouse le Mirail – Toulouse II, 2011.
– Compagnon, Antoine. La seconde main, ou, Le travail de la citation, Paris, Éditions du Seuil, 1979. Dominicy, Marc, et Madeleine Frédéric. La mise en scène des valeurs : la rhétorique de l’éloge et du blâme, Lausanne : Paris, Delachaux et Niestlé, 2001.
– Fabre-Serris, Jacqueline. Mythologie et littérature à Rome : la réécriture des mythes aux Iers siècles avant et après J.-C., Lausanne, Éditions Payot, 1998.
– Jouve, Vincent. Pouvoirs de la fiction : pourquoi aime-t-on les histoires ? Malakoff, Armand Colin, 2019.
– Genette, Gérard. Palimpsestes, La littérature au second degré, Paris, Seuil,1982.
– Letissier, Georges (ed.). Rewriting/Reprising, Plural Intertextualities, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2009.
– Moraru, Christian. Rewriting, Postmodern Narrative and Cultural Critique in the Age of Cloning, Albany, SUNY Press, 2001.
– Parey, Armelle (ed.). Prequels, Coquels and Sequels in Contemporary Anglophone Fiction, Routledge, 2018.
– Parey, Armelle (ed). Re-Writing Jane Eyre. Réécritures II. Revue LISA / LISA e-journal, IV (4), [150 p.], 2006, Ré-écritures (II).
– Rich, Adrienne. “When We Dead Awaken: Writing as Re-Vision”, 1971. On Lies, Secrets, and Silence: Selected Prose, 1966-1978. New York: W.W. Norton, pp. 35-49.
– Rosen, Jeremy. Minor Characters Have Their Day, Genre and the Contemporary Literary Marketplace, New York, Columbia UP, 2016.
– Saint-Gelais, Richard. Fictions transfuges, La transfictionnalité et ses enjeux, Paris, Seuil, 2011.
– Samoyault, Tiphaine. L’intertextualité. Mémoire de la littérature, Armand Colin, « 128 », 2010.
– Sanders Julie, Adaptation and Appropriation, Londres, Routledge, 2006.
– Schlanger, Judith Epstein. La mémoire des œuvres, Paris: Nathan, 1992.
– Spengler, Birgit. Literary spin-offs, Rewriting the Classics – Re-Imagining the Community, Frankfurt, New York/ Campus Verlag, 2015.
– Thieme, John. Postcolonial Con-Texts, Writing Back to the Canon, London, Continuum, 2001.
– Widdowson, Peter. “‘Writing back’: contemporary re-visionary fiction”, in Textual Practice 20.3 (2006), pp. 491-507.
– Zabus, Chantal. “Subversive Scribes: Rewriting in the Twentieth Century.”, in Anglistica 5.1-2 (2001), pp.191-207
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(1) Montaigne, Les Essais, Villey-Saulnier, PUF, 1588 ; 2004, III, 13, p. 1069.–
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